Aller au contenu

DIPROS au champ N° 2 : Agriculture de conservation des sols chez Johan

Étiquettes:
Dipros au champs numéro 2

Johan est agriculteur à Chièvres où il gère une exploitation d’environ 200 ha, en suivant les principes de l’agriculture de conservation des sols (AC) depuis une vingtaine d’années. Il fait partie des précurseurs en la matière ! Les cultures principales de son exploitation sont le froment, l’épeautre, la pomme de terre, l’orge brassicole, le lin, la féverole mais également le colza. Il a commencé l’année passée à extraire lui-même l’huile d’une partie de sa production de colza pour la valoriser en circuit court, La goutte du Gad Bourgeois est donc née.

Avant d’en savoir plus son travail, qu’est ce que l’agriculture de conservation ?

L’agriculture de conservation des sols est un système de culture visant à régénérer les sols par la combinaison de trois piliers :

  • La diminution du travail du sol (techniques culturales simplifiées (TCS), non-labour voire semis direct quand le travail est supprimé complètement) ;
  • La couverture maximale du sol, avec l’implantation de couverts d’interculture multi-espèces ;
  • La diversification des espèces cultivées dans le temps (rotation) et dans l’espace (cultures associées).

Quels sont les bénéfices environnementaux attendus ?

L’ensemble des techniques culturales simplifiées vise à garder une bonne structure du sol, stimuler son activité biologique en évitant toute perturbation et augmenter la teneur en matière organique en surface et donc le taux d’humus. La capacité de rétention en eau du sol s’en trouve alors améliorée, assurant une meilleure résilience face à la sécheresse. Combiné avec une bonne couverture du sol et une rotation diversifiée, le risque d’érosion par ruissellement et de lessivage de l’azote sont aussi diminués. Enfin, avec la réduction des travaux de préparation du sol, la consommation en carburant diminue nettement, ce qui est aussi un avantage non négligeable.

Pour en savoir plus sur ces pratiques, GREENOTEC est l’organisme expert en la matière en Wallonie et édite plusieurs fiches pratiques : http://www.greenotec.be/

La réduction du travail du sol permet de concentrer la matière organique en surface © Parc naturel du Pays des Collines

Pourquoi s’être lancé en agriculture de conservation ?

« Nous nous sommes intéressés au non-labour dans les années 90, d’abord pour les céréales, ensuite pour l’ensemble des cultures» nous dit Johan. Cette conversion progressive vers la réduction du travail du sol a été motivée par des phénomènes de stagnation de l’eau sur les terres argileuses et de battance sur les terres limoneuses au sein de l’exploitation. De plus, les terres de Johan sont assez légères, ce qui compliquait les labours d’hiver, tandis que les labours de printemps constituaient un surplus de travail en période intense. Comme souvent, la transition vers l’agriculture de conservation ne s’est pas fait en une seule étape. Le labour a, dans un premier temps, été remplacé par un décompactage, puis par des pratiques de TCS de plus en plus légères, et enfin vers un semis direct sans aucun travail du sol.

Quelles autres pratiques met-il en place en plus du non-labour ?

Johan met en place des couverts d’interculture très diversifiés qui jouent à la fois un rôle de couverture, de travail du sol, et de recyclage des nutriments. Il y mélange notamment l’avoine, le trèfle, la féverole, la vesce ou encore le tournesol. Il implante aussi des couverts de légumineuses (féverole, luzerne, fénugrec, trèfle blanc) en même temps que la culture principale, ce qui apporte de la diversité, permet de réguler l’impact des ravageurs, de fournir de l’azote à la culture et d’assurer une bonne implantation du couvert après la récolte. Mises en place en même temps que le colza, les légumineuses du couvert associé peuvent couvrir le sol après la moisson jusqu’à la prochaine culture. Le blé est alors semé directement dans le couvert. Pendant la culture de blé, le trèfle est régulé avec un traitement d’herbicide léger afin d’éviter une concurrence trop forte. Après moisson, le trèfle reprend et couvre le sol.

Pour gérer les repousses et réguler les couverts, Johan teste aussi le pâturage. « J’ai fait pâturer les repousses de colza dans le trèfle par les moutons d’une ferme voisine. C’est un échange de bons procédés : les moutons profitent d’une nutrition de qualité en attendant de pouvoir se tourner vers les couverts d’interculture. Cela permet de nettoyer la parcelle des adventices tout en diminuant la vigueur des légumineuses en place et de restituer des nutriments. »

Féverole de printemps et trèfle associé

En ce qui concerne la fertilisation de ses cultures, Johan n’utilise plus de phosphore chimique, ni de potasse sauf en pomme de terre où la dose est réduite de moitié. Il utilise une fumure de TMCE pour les oligoéléments et également pour stimuler le potentiel biologique du sol. Il n’utilise plus d’intrants composés de néonicotinoïdes ni d’insecticides du sol, les insectes auxiliaires étant un allié précieux en AC. Par ailleurs, il restitue près de la moitié des pailles au sol et exporte l’autre moitié car cela est valorisable financièrement.  Mais dans l’idéal, il préférerait restituer au sol ces pailles pour la matière organique et également afin de rester dans un circuit fermé.

Quel bilan tire l’agriculteur ?

Points positifs

Avec les couverts et le non labour, le taux d’humus a été multiplié par deux voire par trois en 20 ans. Au fil des années, on peut observer une nette amélioration de l’activité biologique du sol. Le fait de diminuer les traitements améliore la qualité de l’air et du sol et permet de diminuer les coûts dans les traitements.

Contraintes et améliorations

Les outils comme les semoirs à disques ou à dents sont encore assez chers pour travailler en TCS. Mais il n’est pas impossible de s’y mettre au départ en adaptant son matériel existant. Les couverts ont aussi un certain coût et certaines semences ne sont pas encore faciles à trouver. Johan a parfois dû aller en chercher en France. D’où l’intérêt de produire soi-même ses semences fermières.

Un nichoir pour accueillir les faucons crécerelles

La réduction du travail du sol peut entraîner plus de dégâts de limaces et de mulots.  Johan a fait le choix de ne pas utiliser d’anti-limace car dès son utilisation, les limaces reviennent à chaque fois et les agriculteurs deviennent dépendants de ce traitement. Cela peut nuire également au reste de la faune du sol. Pour les mulots, il a implanté des perchoirs pour favoriser la présence de rapaces comme le faucon crécerelle. Et il envisage d’implanter des haies et rangées d’arbres pour renforcer le maillage écologique. Afin de favoriser la chasse des rapaces au sol et ainsi éviter des dégâts de mulot, le broyage des couverts et des chaumes assez bas est nécessaire.

Enfin, Johan aimerait réaliser encore plus de semis direct, mais idéalement sur sol plat pour que ce soit plus pratique mécaniquement.

Le mot de la fin de Johan :

Pour les agriculteurs qui hésitent à se convertir en agriculture de conservation, le tout est de se lancer, d’oser faire le premier pas.” 

Rendez-vous dans deux semaines pour le troisième numéro de DIPROS au champ !

Article rédigé par Benjamin Abrassart, Chargé de projet DIPROS du CARAH A.S.B.L.