Aller au contenu

DIPROS au champ N°10 : Les arbres têtards – services écosystémiques

Nous pouvons encore en apercevoir dans nos campagnes, essentiellement en zone humide et le long des cours d’eau dans les ripisylves. Ces drôles de « trognes » valorisent nos paysages champêtres dont l’aspect nous rappelle les contes et légendes d’autrefois. La conduite de ces arbres leur permet de vivre quasi éternellement et pourtant, ceux-ci disparaissent de nos campagnes en l’absence d’une taille régulière en recépage (taille courte). En effet après une vingtaine d’années pour un saule, le risque augmente de voir les vieux têtards s’ouvrir sous le poids de leurs charpentes déséquilibrées et de casser.

Plantation, taille de formation et d’entretien

La plantation se fait de novembre à décembre hors période de gel. Le saule et le peuplier peuvent facilement se planter comme bouture de tronçon. Pour les autres espèces, la plantation se fait à racines nues avec ou sans pralinage (enrobage des racines d’un mélange d’argile et de fumier). Le trou de plantation peut être préparé à l’avance afin de faciliter l’enracinement dans un sol travaillé.  Si l’endroit choisi pour la plantation se situe au niveau d’une prairie ou le long d’un bois, une protection contre le gibier et le bétail sera nécessaire. Les arbres têtards ont l’avantage de pouvoir se planter à proximité les uns des autres. On peut également composer une haie composée d’arbres têtards et d’arbustes en plessage*.

*Le plessage est une technique ancestrale que l’on réalisait dans les bocages en bordure de prairie afin de densifier les haies et de clôturer les pâtures. Cela consiste à réaliser une incision dans le bas des plants de façon à ne laisser qu’une partie d’écorce et d’aubier d’un côté et de plier le plant à l’horizontal. Cela force la ramification sur le côté du rameau et crée un maillage de branchages pouvant se consolider en se greffant les uns aux autres. C’est ce qu’on appelle l’anastomose.

La taille de formation s’effectue lorsque l’on atteint un diamètre de l’ordre de 5 à 10 cm en hiver (hors période de gel) à hauteur voulue. L’application d’un mastic pour la taille n’est pas nécessaire. Au printemps suivant (avant lignification), il sera essentiel de supprimer les repousses trop basses sur le tronc et de ne garder que les rejets (réitération) au plus près de la zone de taille. Par la suite la fréquence de la taille pour la récolte dépendra de l’usage et de l’essence utilisée. De par sa croissance rapide, le saule se coupe tous les 5 à 10 ans voire une fois par an si on l’utilise pour la vannerie. 

Les services des trognes à l’environnement …

Les arbres têtards fixent les sol et limitent l’érosion des berges. Ils freinent également les grands vents et créent un microclimat ombragé et plus frais pour le bétail. Ils stockent et valorisent le carbone atmosphérique. Les arbres conduits de cette façon semblent également mieux résister à la sécheresse due à la diminution périodique de la masse foliaire et donc à l’évapotranspiration.

… Et à la biodiversité

Les trognes participent au maillage écologique de nos campagnes. En effet, une multitude d’espèces peuvent être observées que ce soit des passereaux (sittelles torchepots, grimpereaux, mésanges, etc.), des espèces cavernicoles dans les creux des arbres ainsi formés (chouettes, chauves-souris, guêpes et abeilles) ainsi que divers auxiliaires pour les cultures avoisinantes (forficules, coccinelles, carabes, etc.). Les têtards font également partie d’un réseau complexe du sol se composant de champignons (réseau mycorhizien) et de bactéries propices à un bon état du sol.  

Le saule, mais pas seulement !

Lorsque l’on parle d’arbre têtard, on pense directement, et à raison,  au saule blanc bien présent dans nos paysages. Grâce à sa croissance rapide, sa production de biomasse importante et ses usages multiples. Il pousse partout surtout en zone humide réputée plus difficile.

Mais le saule n’est pas la seule espèce à pouvoir se conduire de cette façon. Le frêne réagit également très bien à cette taille offrant du bois de bonne qualité et également du fourrage pour le bétail (la chalarose(maladie causée par un champignon) étant le principal frein à cette essence, il est conseillé de diversifier les espèce.

Le peuplier et le châtaigner permettent quant à eux la production de piquets bien droits pour les clôtures, voire la fabrication de charpentes.

Le chêne et le charme produisent des fagots et du bois d’œuvre de bonne qualité. Le tilleul à petites feuilles a une croissance plus rapide et réagit également très bien naturellement au recépage.

Valorisation de ces arbres

Vannerie, fagot, bois de chauffage, BRF (bois raméal fragmenté), piquet, fourrage, biomolécule, etc. L’usage des arbres têtards est aussi vaste que leur zone de répartition à travers le monde.

La première utilisation est certainement le bois de chauffage. À l’heure actuelle face au prix de l’énergie, il serait dommage de passer à côté de cette matière première 100 % renouvelable. Bien que le saule soit moins calorifique que d’autres essences telles que le chêne, il se caractérise par un meilleur rendement grâce à sa rapidité de production en biomasse. Le chêne et le châtaigner peuvent également rentrer en compte dans le nourrissage porcin pour leurs fruits. Attention par contre pour les bovins et équins en cas de forte production de glands (comme cette année en cas de stress hydrique) cela peut devenir toxique.

La vannerie avec le saule revient de plus en plus au goût du jour. C’est une belle alternative au sachet plastique. L’implantation de saules têtards en brise-vent (recépée à 20 – 80 cm du sol) au sein d’un vignoble peut également servir à fabriquer des liens pour attacher les sarments.

Le BRF (bois raméal fragmenté) est utilisé comme paillage. Le fait d’épandre du BRF permet d’améliorer la teneur en carbone du sol, de stimuler la rhizogenèse (grâce notamment à l’auxine présente dans les jeunes tiges de saules) et la microfaune du sol. Un problème peut apparaître lors d’apport de BRF ; il s’agit d’une faim d’azote. Pour pallier ce problème, il est parfois nécessaire de réaliser un apport de lisier. Une autre solution est d’utiliser le BRF comme litière d’élevage améliorant l’absorption, la propreté du bétail et la qualité de l’engrais de ferme ainsi obtenu.

Par période de sécheresse, on rencontre de plus en plus de difficultés à obtenir de l’herbe en suffisance en prairie. Certains arbres têtards comme le frêne et le saule peuvent répondre en partie à ce manque en coupant quelques rameaux par arbre le long des prairies. Ces essences sont appétentes et apportent des éléments ayant des effets bénéfiques sur la santé du bétail. Des études sont actuellement en cours aux laboratoires de la Haute-Ecole Condorcet à Ath  dans le projet “Et nos (Hainaut) saules têtards ?” afin de déceler d’autres utilités aux molécules présentes dans le saule.

En savoir plus à ce sujet : https://www.notele.be/it71-media122131-la-chimie-verte-autre-valorisation-pour-le-saule-tetard.html

 Les aides à la plantation et à l’entretien

Les arbres têtards entrent dans l’éco-régime « Maillage écologique » (qui par ailleurs reprendra les MAEC MB 1 Haies, arbres et mares). La prime de cette éco-régime sera de 450 €/ha. Il existe un cahier des charges spécifique pour chaque composant. Pour les arbres, deux contraintes supplémentaires exigent un regroupement par paquet de 10 arbres et une interdiction d’utilisation de produits phytos à moins d’un mètre de distance. La taille sera interdite de la période du 01/04 au 3/07 (période de nidification et de reproduction des oiseaux).

Ils peuvent également rentrer dans l’écoconditionnalité BCAE 8 (Bonnes Conditions Agricoles et Environnementales) qui se consacre à la maintenance d’une part minimale de la surface agricole dans des Zones ou des Eléments Non Productifs (ZENP). Il existe 3 possibilités concernant cette BCAE :

  • 4% des terres arables de l’exploitation en Zone et Eléments Non Productifs
    • 7% des terres arables de l’exploitation si des cultures dérobées et fixatrices d’azote sont inclues (sans phyto et avec pondération de 0,3), dont 3% en ZENP et 4% solde
    • si ≥ 7% des terres arables en ZENP dans le cadre d’un éco-régime (ER maillage), la part à attribuer à la BCAE 8 est réduite à 3%

Un subside existe via la campagne wallonne « YES WE PLANT » concernant l’entretien des arbres têtards.

Pour ce subside, est considéré comme arbre têtard, un arbre dont la morphologie est modifiée par étêtage du tronc et coupes successives des rejets partant du niveau où le tronc a été étêté.

  • L’entretien vise des arbres têtards de plus de 30 ans, n’ayant pas fait l’objet d’une taille depuis au minimum 10 ans;
  • L’entretien comprend au minimum 10 arbres;
  • Un même arbre ne peut bénéficier qu’une seule fois de la subvention;
  • La subvention est limitée à 30 arbres par an et par bénéficiaire.

Condition à respecter :

  • Le bénéficiaire entretient les arbres concernés au moins une fois tous les 12 ans.

Le montant de cette aide s’élève à 20 € par arbre traité en têtard.

La taille de restauration de certains de ces arbres peut être dangereuse du fait de la tension présente au niveau des charpentes et de l’apparition de bois mort. Des précautions de sécurité sont donc à prendre lors de cette taille.

Le projet « Et nos (Hainaut) saules têtards » mené par les Parcs Naturels du Pays des Collines, des Plaines de l’Escaut et des Hauts-Pays (en collaboration avec la Haute Ecole Condorcet) offre conseils et services pour la plantation et l’entretien des arbres têtards ainsi qu’à la prise en charge du dossier.

 Pour plus d’infos concernant ces aides :

Article rédigé par Benjamin Abrassart, Chargé de missions DIPROS du CARAH A.S.B.L.