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DIPROS au champ N° 8 : La culture du bambou en Belgique

Avec les changements climatiques, l’instabilité sur le marché des grandes cultures et la pression sur les intrants, les agriculteurs cherchent à se diversifier dans de nouvelles cultures innovantes. C’est le cas de Matthieu Degallaix, jeune agriculteur de Brunehaut reprenant la ferme familiale, qui a décidé de se lancer dans la culture du bambou, et plus particulièrement avec l’espèce Phyllostachys edulis.

Le bambou, une herbe géante ?

Le bambou est une poacée, ou anciennement graminée, comme le blé, le maïs ou encore le riz. Il en existe plus de 70 genres et plus de 1000 espèces à travers le monde !

Avant la mise en place d’une culture en bambou, il est impératif de connaître la morphologie et la physiologie de ce végétal.

Tout d’abord le bambou se compose de deux parties :

  • La partie souterraine avec le rhizome et les racines pour l’assimilation et le stockage des éléments ;
  • La partie aérienne avec les chaumes (tiges) et les feuilles pour la photosynthèse.

Les rhizomes peuvent être soit cespiteux (pousser en touffe), soit traçants pour la plupart des bambous tempérés. La réalisation d’une tranchée, idéalement de 60cm de profondeur sur 30-40 cm de large, autour de sa parcelle est par conséquent primordiale afin d’éviter l’invasion non voulue des parcelles voisines. Une inspection une à deux fois par an devra être réalisée afin de vérifier si aucun rhizome n’essaie de la traverser. Les rhizomes des bambous traçants (du genre Phyllostachys) restent en surface et vont rarement sous les 30 à 40 cm de profondeur. Arrivant à la tranchée, ceux-ci peuvent soit se transformer en chaume au contact des rayons du soleil soit descendre dans la tranchée et avorter.

Développement et croissance, deux choses différentes…

Le développement concerne l’évolution de la plante du stade de la graine (ou jeune plant) au stade adulte de l’espèce. Le temps de développement varie entre 4 et 6 ans en fonction de l’espèce. Un bambou géant planté ayant une hauteur de 1 m n’atteindra pas les 10 m en un an. Il faudra du temps pour que la plante stocke assez d’éléments dans ses rhizomes afin d’atteindre la hauteur maximale.

La croissance, quant à elle, concerne la sortie de la jeune pousse (turion) au printemps, qui sortira avec son diamètre définitif, jusqu’au déploiement de ses feuilles en été de la même année. À ce niveau-là, le bambou détient le record de vitesse de croissance du règne végétal pouvant gagner jusqu’à 1 m en une journée dans le Sud de la France !

L’installation d’une bambouseraie

Le bambou est une culture pérenne sur de très longues années. Il faut donc bien réfléchir avant de se lancer dans cette aventure.

La majorité des espèces de bambous s’accommode de tout type de sol sauf les sols argileux et ceux trop gorgés en eau. Le bambou demande une bonne pluviométrie, mais n’aime pas avoir les pieds dans l’eau, surtout en hiver. Lors des premières années, un apport hydrique est à prévoir en saison ainsi qu’un paillage. Un an avant la plantation, il est conseillé de mettre en place une prairie temporaire composée d’un mélange graminées-légumineuses ou de luzerne permettant d’obtenir une bonne structure du sol et un enrichissement en azote.

Chez Matthieu, le choix du paillage s’est dirigé vers des copeaux compostés en mélange feuillus-résineux. Attention si le paillage est trop riche en résineux un risque d’acidification du sol est possible (bien que le bambou tolère un pH légèrement acide). La faim d’azote est aussi à prendre en compte. Pour contrer ces problèmes, Matthieu utilise les déchets de fauches des interlignes et a semé dans la ligne du trèfle blanc permettant de fixer l’azote et de limiter l’apparition des adventices. Un système d’irrigation goutte à goutte a également été installé. Pour ce qui est de la fertilisation, le bambou a essentiellement besoin d’azote (N) et de potassium (K). Matthieu a donc réalisé un premier apport localisé en NPK de 13-3-15 en février. Pour les années suivantes, un apport n’est généralement plus  nécessaire mis à part une poignée de fumier composté pour chaque turion récolté. La première récolte se fera 5 à 6 ans après la plantation : au printemps pour les jeunes pousses (la période variant en fonction de l’espèce) et de novembre à février (période de repos) pour les chaumes.

Matthieu, sous les conseils de la société OnlyMoso, a décidé de ne planter qu’une seule espèce sur sa parcelle : du Phyllostachys edulis. Cette espèce a été sélectionnée par OnlyMoso pour son rendement et la qualité de ses chaumes et des turions.  

Le fait de ne planter qu’une seule espèce est un choix permettant de faciliter les opérations culturales, mais cela peut présenter également quelques risques.

En effet, le fait de planter plusieurs espèces (par groupe en mosaïque) peut présenter des avantages :

  • Éviter de perdre toute la plantation si le bambou fleurit (le risque d’une floraison trop importante provoque l’épuisement de la plante et donc inévitablement une chute de rendement) ;
  • Echelonner la récolte des jeunes pousses et éviter les dégâts dus aux gelées tardives pour l’edulis ;
  • Limiter les pertes si une espèce est moins propice au climat belge.

Voici un tableau comparatif de différentes espèces adaptées pour la Belgique :

Le bambou en Europe et en Belgique

Le bambou n’a été introduit en Europe qu’à partir du XIXème siècle par des botanistes et de riches marchands pour l’ornement et son aspect exotique. L’idée de cultiver du bambou en Europe n’est que très récente. Cela s’est d’abord développé sur le pourtour méditerranéen en Espagne, en Italie, au Portugal et dans le sud de la France pour enfin arriver chez nous en Belgique. Nous n’avons, actuellement que peu de recul sur la culture du bambou en Belgique ainsi que sur sa rentabilité. Néanmoins,  à maturité (environ 10 ans) en France et en Italie, pour l’espèce Phyllostachys edulis,les rendements sont de l’ordre de 8 à 15t/ha de turions (pour la consommation) et entre 500 et 2500 chaumes à l’hectare (source : OnlyMoso).

L’itinéraire technique de cette culture peut s’apparenter au Miscanthus x giganteus qui est aussi une poacée, mais qui se différencie du bambou par la mort de son système aérien en hiver et par sa récolte plus facilement mécanisable.

Quels sont les débouchés en Belgique ?

A l’heure actuelle, l’Europe importe énormément de bambous d’Asie. La demande des entreprises et des start-ups est de plus en plus forte pour cette matière première se diversifiant aussi bien pour l’ameublement que pour la filière fibre textile, la papeterie ou encore l’alimentation.

Pour Matthieu, le premier objectif de sa culture est l’alimentation, c’est-à-dire la production de jeunes pousses de bambou. Cela permet de garder sa parcelle en production de denrée alimentaire et d’avoir une possibilité de vente directe à la ferme. Par la suite, en fonction de la future production et du rendement de sa bambouseraie, il pourra également vendre les chaumes pour le textile ou vers d’autres filières. Matthieu n’a pas de bétail, mais le bambou se valorise très bien comme litière ou peut être utilisé comme paillage une fois broyé. Matthieu souhaite également ouvrir sa bambouseraie afin de développer le secteur touristique et évènementiel dans sa région. 

Pour l’aider dans ses démarches, lui garantir des débouchés directs en Europe et valoriser au mieux sa production, Matthieu a choisi d’être suivi par OnlyMoso, société fondée en 2014 en Italie. Cette société produit les plants et accompagne l’agriculteur tout au long de la culture.

Article rédigé par Benjamin Abrassart, Chargé de projet DIPROS du CARAH A.S.B.L.